"Je vis avec des Thompson depuis plusieurs
dizaines d'années. Ils ne
cessent de me toucher, m'émouvoir.
Ils traduisent beaucoup d'amitié et
de candeur, pour les êtres, pour les choses, pour le monde, pour nous
tous."
Edgar Morin
"Michel Thompson : Une issue singulière" par
Caroline BENZARIA
En 1944, à Montparnasse il devient peintre
Michel Thompson est né, de père américain et de mère française, le 12
janvier 1921 à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine).
Dans la famille de sa mère " on peint " mais cela ne le tente pas. Il
préfère passer un concours pour être météorologiste et part exercer
deux ans à Lyon comme fonctionnaire.
Il décide de rentrer à Paris en 1942, désireux de devenir pianiste.
Ayant commencé trop tard, il doit abandonner l'idée. La musique
l'accompagnera néanmoins toute son existence.
Pour subsister, il alterne différents métiers, dont moniteur de sport,
brocanteur ou peintre du dimanche.
Ses premières aquarelles, il les vend très bien, en faisant du porte à
porte. Ce succès inattendu le pousse à approfondir ses connaissances en
dessin.
Il se rend à l'Académie de la Grande Chaumière en 1944. Là, il
rencontre les peintres de l'Échelle et surtout se lie d'amitié avec
Paul Rebeyrolle, Michel de Gallard et Bernard Buffet qui l'introduisent
dans le milieu artistique et intellectuel de Montparnasse.
Il découvre avec eux un nouveau mode de vie et une ouverture d'esprit
qui lui correspondent. Il embrasse de façon autodidacte et passionnée
la carrière de peintre et expose pour la première fois en 1945 au Salon
des Indépendants.
En 1946, sa carrière d'artiste commence
En 1946, Michel Thompson sort de l'anonymat. Maeght le repère comme un
artiste original et prometteur. Elle fait de lui l'un des " jeunes
espoirs " de sa galerie en montrant son oeuvre dans la célèbre
exposition " Le Noir est une Couleur " aux côtés de Bonnard, Matisse et
d'autres grands artistes.
Son style est pseudo abstrait.
La même année, il participe au Salon des Moins de Trente Ans. La
critique retient son nom et le suit fidèlement et avec intérêt.
En 1947, le jeune Thompson découvre le Louvre et les musées de Paris
qui réouvrent leurs portes. Il découvre les grands nom de la peinture
ancienne, ce qui le conforte dans l'idée de faire de la figuration.
Avec ses camarades, il tourne, dès lors, le dos à l'art abstrait pour
explorer la réalité, celle de la France après la Libération. La
peinture française est un héritage qu'il assume.
En 1948, il rejoint le groupe l'Homme Témoin et expose en juin à la
Galerie du Bac, « Premier Manifeste de l'Homme Témoin », avec de
Gallard, Lorjou, Yvonne Mottet, Rebeyrolle.
Il s'installe en 1949 à La Ruche, dans le XVe arrondissement de Paris.
Se consacrant entièrement à l'observation et la reproduction du réel,
il participe à la formation du " groupe de La Ruche " et rejoint à
travers elle, l' Ecole de Paris.
La même année, il rencontre Claudine Delsol à l'Académie de la Grande
Chaumière, celle-ci devient son modèle favori, sa femme, la mère de sa
fille.
Maître dans la figuration des années 50
Sa première exposition personnelle à lieu à Paris en 1954, mais c'est
au Salon de la Jeune Peinture, véritable plate forme de lancement
artistique qu'il s'impose comme l'un des maîtres de la figuration des
années 50.
Deux enclaves stylistiques encadrent sa période de première maturité
picturale figurative, l'une naïve (1949) et l'autre néo-cubiste
coloriste (fin des années 1950).
La volonté d'apprendre à peindre le réel dans un style réaliste, loin
de tout excès expressionniste, sa fidélité à la tradition et à
l'histoire de la peinture dominent et ancrent sa démarche d'artiste
dans un processus formel de copie et d'imitation, dans une forme de
classicisme dont il s'éloignera par la suite.
Que ce soit à travers des natures mortes ou des scènes d'extérieur
(rue, plage) ou d'intérieur (cafés, restaurants) animées, les oeuvres
de cette époque contiennent toutes une vision humaniste qui lui est
propre. La présence de l'homme est toujours respectée et centrale.
En Mai 68, il cesse de peindre
Bien qu'il ai conquis le chemin d'une certaine reconnaissance par le
milieu, en mai 68 Michel Thompson pose les pinceaux.
Il a derrière lui une oeuvre forte où quatre des genres de la peinture
classique française se dessinent : la nature morte, le modèle, le
paysage, les compositions.
Il devient brocanteur aux puces de Saint-Ouen et met en vente une
partie de son atelier.
Il continue toutefois à dessiner et à faire des sérigraphies au
pochoir.
Rétrospectivement, ce geste peut paraître déroutant, alors qu'en 1957,
lors de la 2e exposition personnelle à Paris, à la Galerie Monique de
Groote, Luce Hoctin, critique d'art, le reconnaît comme précurseur
d'une génération de jeunes peintres.
En 1958, Thompson effectuait un voyage de trois mois à New York à
l'occasion d'une exposition personnelle à la Bianchini Gallery et s'y
faisait connaître.
En 1975, il reprend les pinceaux
Thompson reprend les pinceaux sans pouvoir se l'expliquer clairement en
1975.
Il effectue une série sur la ville qui donne le ton et caractérise déjà
la singularité de sa seconde période de maturité.
A la fin des années soixante dix, il s'intéresse à l'oeuvre de Nicolas
de Staël qui l'inspire.
Thompson explore le langage abstrait allant comme à contre courrant de
la Nouvelle Figuration, existant là où on ne l'attend pas. En réalité,
il ne dissoudra jamais le sujet.
En 1980, il se met à peindre à l'acrylique et parallèlement réalise de
nombreux dessins et collages.
Il se soucie en réalité de construction formelle et entame avec son
oeuvre passée un dialogue surprenant.
Il peint des séries qui mettent en scène un thème plastique allant des
piments rouges au modèle dans l'atelier, en passant par le football ou
les gens dans la ville .
Un " classique " devenu " moderne "
En 1990, la Galerie Expression organise un hommage aux peintres du
manifeste de l'Homme Témoins - Buffet, De Gallard, Lorjou, Mottet,
Minaux, Dat, Thompson, " Manifeste de l'Homme Témoin 1948-1950". Il
participe également à l'exposition " La Réaction Figurative, 1948-1958
", à la Galerie Alan 1950.
Arrive pour Thompson une période de reconnaissance historique, qui
consacre la première partie de sa carrière et le classe parmi les
peintres majeurs de la Figuration des années 50 tandis que des galeries
telles que celles de Pierre Basset à Flassans-sur-Issole, la Galerie
Etats d'Art à Paris, celle de Daniel Besseiche à Paris et à Genève ou
l'Artcothèque de Granville montrent son oeuvre récente.
En 1999, la Galerie Basset organise une première rétrospective : "
Parcours 1946-1999 ".
Entre la France de 1945 et celle des années quatre
vingt dix, à travers
la vision d'un artiste très parisien défilent la ville, ses figures,
ses visages, ses cafés, ses restaurants, ses tables dressées, ses
concerts, ses jeux, la plage : les hommes.
Ce qui change entre sa période « classique » et sa période « moderne »,
c'est l'atmosphère.
Dans sa période « moderne » l'image de l'Homme se confond avec celle du
groupe, le portrait se métamorphose en une pose, un être, une chose, un
paysage deviennent des signes, des synthèses formelles.
L'instabilité stylistique qu'il affiche résonne avec une liberté
nouvelle qu'il s'octroie à essayer et à déformer pour reformer.
Le réseau de lignes noires en 1998 qui tisse un sujet, résume des
visages à un contour, brosse le marathon de Paris en un élan commun
forcé dans une direction... parle encore de l'homme qui semble cette
fois souffrir d'une perte d'identité.
Son langage cellulaire évoque le concept de limite sans cesse replacée,
parle d'un univers où lignes et couleurs s'opposent, où l'ordre visuel
a comme pendant la dislocation et où le mouvement défie l'immobilité.
Dans le dédale des courants et des tendances modernes et
contemporaines, Michel Thompson demeure un singulier qui a trouvé une
issue qui devrait lui garantir la postérité.
Michel THOMPSON est décédé le 9 Août 2007 à Paris.
Caroline Benzaria
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